23 octobre 2015 at 14:30 (Uncategorized)

Je viens, j’ai besoin, de parler de mes soirées chez mes petits voisins..

Du lundi au jeudi en général, je vais vers 20 heures garder les 3 petits pendant que le papa retourne voir leur maman à l’hôpital. Ces enfants sont merveilleux. Presque adultes avant l’âge.. La grande -10 ans- veille sur le sommeil et l’endormissement de la puce de 3 ans. Pas toujours facile, je les entends parler, souvent longtemps.. Parfois la petite pleure, appelle son papa alors qu’elle a entendu démarrer le scooter et sait donc qu’il est déjà parti. Veut sa maman, la voir encore sur Skype, lui dire encore une fois bonne nuit et ‘ze t’aime’… Le petit mec -7 ans-, fait le fort mais a tellement besoin de parler et de tendresse que c’en est parfois effrayant. Lui il attend que le scoot démarre pour redescendre « je peux m’asseoir un peu près de toi? » Juste un peu, demain y’a école. Ok, alors encore un bisou puis je vais dormir.

Vers 22 heures, systématiquement la grande se lève, boit un verre d’eau, va aux toilettes, me répond « juste un peu » quand je lui demande si elle a déjà dormi…  Purée quel courage ils ont, quelle leçon de vie de les voir si discrets malgré leur besoin de parler, les voir s’occuper les uns des autres, ou aider le papa comme ils peuvent..

Avant hier, pour la première fois je suis arrivée alors qu’ils n’avaient pas terminé la discussion sur Skype avec leur maman. Quel choc de la voir si mal en point, et faire bonne figure devant les petits malgré la douleur, visiblement terrible. Tenter de sourire, en me demandant si j’allais bien (!) Autant que je tentais de sourire pour cacher les larmes qui montaient, en entendant les enfants lui dire et redire je t’aime maman.

Le papa les met au lit, puis démarre au plus vite. Elle lui dit de ne pas venir le soir, de ne pas refaire l’aller retour déjà fait la journée, de se reposer. Et lui me dit « pourquoi elle ne comprend pas que, même si je suis épuisé et au bout du rouleau j’en ai besoin, il faut que je sois près d’elle ! » -« Va, et fais gaffe à toi je sais ce que c’est de rouler sous la pluie et les routes pleines de feuilles mortes » -« Arrête d’être protectrice. J’ai pas eu de mère tu sais…. j’ai pas l’habitude » Et il démarre. Comme un fou.

Et je reste là, souvent jusqu’à 23h30, à ingurgiter des séries télé sur mon portable. Et espérant qu’aucun des petits ne va s’éveiller. Parce que je ne sais plus quoi leur dire. Les psys ont pris le parti de tout leur expliquer, de tout leur dire. Moi ça m’affole. Toute cette lucidité.

Je ne suis que la voisine, mais malgré moi je vis ça « en direct » depuis 1 an. Un cancer rare, une saleté qui s’enkyste dans une coque dure comme de l’os. Première fois derrière le cœur, puis balèze hein, 7 X 12 cm.. 6 semaines de chambre stérile et plusieurs chimios très agressives. Et autant d’effets secondaires. 7 mois de rémission à peine, et en juillet retour de la chose. A la découverte, 1 cm seulement, et moins de 3 semaines plus tard, enroulée autour de la colonne vertébrale, sur 10 cm, et s’attaquant à la dernière côte… Retour en chambre stérile pour 6 semaines de plusieurs chimios, cette fois encore plus terrifiantes en effets secondaires.. Retour à la maison mi septembre, pour ‘se reposer’ 15 jours. Avec une mauvaise nouvelle de plus, il y a des traces de métastases au cerveau, soi-disant enrayées par la dernière série de chimio, mais il y aura encore -et de plus en plus rapprochées- des récidives. Donc depuis lors, re-chambre stérile et greffe de moelle. Et re-chimio super agressive. Là aplasie totale pour encore au moins 2 semaines, le moindre microbe, la moindre infection des nombreuses plaies (qu’on lui cautérise systématiquement, plusieurs fois par jour..) qui sont apparues pourraient la tuer. Elle vient d’avoir 30 ans, nom de dieu !!

Hier soir fut vraiment difficile à vivre quand le papa est rentré. Craquant pour la 1ère fois, me disant ne plus supporter totalement impuissant de la voir souffrir ainsi. En prenant sur elle « Elle serre tellement les dents que tout son visage tremble, et elle ne se plaint pas pour ne pas m’inquiéter, comme si j’étais con ! »  Plus de morphine ? On ne peut pas, ils ne veulent pas risquer de tout anesthésier et de passer à côté d’un ‘nouveau’ problème. Merde y’a qui là-haut pour infliger autant de souffrances ?

Je ne suis que la voisine. Mais touchée jusqu’au fond des tripes. Quand j’en parle, on ne comprend pas pourquoi je suis si « impliquée ». Je le suis par la force des choses. Parce qu’ils n’ont pas de famille. Parce que les ‘amis’, la première série de 6 semaines, se relayaient avec moi et une autre voisine pour garder les enfants. La seconde fois, bah on n’était plus que 4.. et moi je suis là, juste à côté, dispo au moins 4 soirs/semaine. Puis seule à la maison, donc pourquoi j’aurais dit non. Cette fois-çi, on n’est plus que 3. Et les potes qui désertent leur font autant de mal au moral, que cette p’tin de maladie le fait au physique..

Hier on a discuté, comme tous les soirs, mais bien plus longtemps. Petit à petit j’ai changé de sujet, j’ai même réussi à le faire sourire. Quand j’ai quitté vers 1h, mon pc sous le bras, il ma dit merci hein, et pas que pour les petits, merci là, parce que je crois que je n’aurais pas dormi de la nuit.

Je n’ai presque pas dormi, autant triste qu’en rage envers cette injustice.

Ce matin 7h30 en ouvrant la porte au 1er petit pote j’ai vu qu’il n’y avait pas de lumière, il a loupé le réveil et c’est tant mieux 🙂 Tant pis pour l’école, pour une fois tous en retard. Qui pourra leur reprocher ?

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